La maison de polyculture vigneronne
L’activité de polyculture est dominante et la viticulture se limite à quelques arpents pour la consommation personnelle. Elle se distingue de la ferme de polyculteur par la présence d’une cave enterrée ou semi-enterrée, plus rarement d’un cellier, où l’agriculteur presse la vendange, vinifie et pratique le vieillissement et la mise en bouteille du vin.
Description :
Implantation du bâti
La maison de polyculteur vigneron est implantée en limite de voirie.

Illustration 1.
Plus rarement, elle peut être en retrait avec, à l’avant de la façade principale, une cour agricole ouverte caractéristique de la ferme de polyculteur.

Illustration 2.
Elle est généralement mitoyenne et forme des villages denses de type rue.

Illustration 3.
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Abords immédiats et annexes
Sur rue, la cour ouverte est un lieu de stockage et de travail.
A l’arrière, on trouve le jardin vivrier, prolongé par un verger.
Une treille de vigne agrémente la façade sur rue. Elle est un signe de bienvenue, fournit des raisins de table à la famille et ombrage, en été, le banc en pierre construit au-devant de la maison.
Illustration 4. Façade sur rue.

Illustrations 5 et 6. Jardins vivriers, vergers
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Volumétrie générale
La maison de polyculture vigneronne est une ferme bloc à trois travées qui prend la forme d’un rectangle plus ou moins allongé dont le plan se caractérise par l’existence de trois travées transversales aux murs gouttereaux :
- l'habitation, implantée au-dessus d'une cave ou d'un cellier, peut être en retrait
- la grange au-dessus de laquelle on peut trouver un grenier et/ou fenil pour le stockage des récoltes accessibles depuis l'extérieur par une porte ou une fenêtre
- une étable
Le nombre de travées peut varier selon plusieurs paramètres, à la fois économiques, fonctionnels, régionaux, etc.

Illustrations 7 et 8.
L’habitation est sur un ou deux niveaux.
On accède à l'habitation :
- de plain pied, lorsque l’accès à la cave totalement enterrée se fait par un trappon ou un escalier qui se développe à l’avant de la ferme, dans la cour.

Illustration 9.
- par un escalier extérieur qui débouche soit sur un simple palier, soit sur une sorte de balcon qui s'étend devant la travée d’habitation. Ce balcon, soutenu par un mur, par des colonnes en pierre, ou par un élément plein abritant l’accès au cellier ou une soue à cochons, peut être couvert par le débord de toit ou un auvent rapporté sur la façade, ou être à l’air libre.

Illustrations 10 à 12.
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Systèmes et matériaux de construction
La maison se développe en deux parties :
- sur une cave voûtée en plein cintre, ou en anse de panier, pour la partie viticole et le logement,
- de plain-pied pour la partie agricole.
Les fermes de polyculture vigneron ont été construites à une époque où l'on se procurait les matériaux au plus près de chez soi. La plupart du temps, on utilise des pierres issues des carrières les plus proches ou de l'épierrage des champs pour la structure porteuse de la maison, c'est-à-dire des murs épais, tels que les façades et les murs de refend, destinées à porter les planchers et la toiture. Ces pierres sont grossièrement taillées (l'équarrissage se fait au marteau) afin d'être posées en lits successifs et parallèles. Elles sont appelées moellons.

Illustration 13.
Assemblées au mortier de chaux, de manière plus ou moins horizontale, elles créent ainsi des "joints incertains". La solidité du mur est assurée par les boutisses, qui sont des pierres traversantes. La surface de ce parement est bosselée, irrégulière et poreuse.
La structure en moellons ou en briques est reprise aux endroits où les forces sont les plus grandes (angles, contour des baies, linteaux, etc.) par des pierres de taille, structurellement plus solides, et non gélives.
Les moellons sont protégés par un enduit à la chaux des différentes agressions climatiques : pluies, vents, gel, les chocs thermiques etc., tout en permettant les échanges thermiques. Pour respecter l'équilibre hydrique de l'ensemble, l'enduit de façade doit être à base de chaux, qui protège à l'extérieur et permet au mur d'évacuer l'humidité (Illustration 15). De plus, il peut être rénové en appliquant un badigeon (lait de chaux).
Par économie, l'enduit peut recouvrir uniquement la façade principale sur rue, la façade arrière étant protégée par un gobetis. Ce type de protection est repris aujourd'hui par une technique appelée "à pierres vues".

Illustrations 14 et 15
La pierre de taille est utilisée principalement pour les encadrements d'ouvertures et les structures d'angle. Elle est disposée en lits réguliers selon un appareillage dessiné à l'avance. Seules les parties de pierre bouchardées finement restent apparentes. Les arcs de décharge au-dessus des linteaux sont en moellons de pierre et ont une fonction purement technique et non esthétique. Ils sont donc protégés par l’enduit.
Pour des économies de moyens, les encadrements d'ouvertures pouvaient également être constitués de bois ou de briques, dispositif plus récent.
La charpente est très simple : poutres et chevrons reposant sur les murs porteurs de façade et intermédiaires. Le seul élément de charpente sophistiqué peut être une demi-croupe achevant la toiture.
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Toitures
La toiture est de type long pan, parfois en croupe ou demi-croupe. Elle couvre l’ensemble des trois travées, et présente une forte pente : 70 à 100 %, soit 35 à 45°. Dans le cas d'un village en bande, la stratégie est reprise à l'échelle urbaine, seules les maisons en bout de rue auront ce dispositif.
Illustration 16. Toiture long pan
Des pas de moineau peuvent déborder sur le haut des murs de refend. Ils auraient plusieurs fonctions : séparer chaque maison et éviter la propagation d’un incendie ou permettre un entretien plus facile de la toiture.
Illustrations 17 et 18. Pas de moineau en toiture et alignement des toitures
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Ouvertures
La ferme de polyculture vigneronne se caractérise en façade par ses ouvertures qui représentent moins de vides qu'il n'y a de pleins :
- la porte de grange,
- la porte et les fenêtres de l'habitation,
- la porte et la fenêtre de l'écurie,
- la porte de cave
Les baies d'habitation sont réduites au strict minimum pour limiter les pertes de chaleur :
- L'habitation est desservie et éclairée par une porte et une fenêtre qui peuvent être dissociées ou contiguës ; on parle alors de pierre à jumeaux, sans doute parce que le linteau de la porte et celui de la fenêtre sont soutenus par un seul jambage en pierre. La plupart du temps sous la fenêtre, on trouve encore souvent une pierre d'évier qui permettait d'évacuer l'eau dans une rigole en pied de façade.
Illustration 19. Pierre à jumeaux
- La ou les chambres de l'étage sont percées d'une fenêtre plus haute que large, composée de deux vantaux ouvrant à la française et de trois carreaux égaux. Les volets ont été ajoutés au début du 20ème siècle pour clore les ouvertures. Ils sont en bois peint ou en persienne.
Illustration 20. Percements à l'étage, fenêtres à la française.
La porte de cave est cintrée. Le linteau de la porte est parfois formé de deux, trois ou même quatre voûtes successives en dégradé suivant la pente de l'escalier.
La porte de grange, percement majeur de la façade (environ 3 m de large pour 3,5 m de haut), est l’élément d’identification de la maison de polyculture. La baie est pour la plupart du temps arquée, soit en anse de panier, soit en plein cintre, l'arc est alors en pierre de taille, ou un linteau en bois courbe a été spécialement travaillé. La porte est posée en fond de maçonnerie, laissant apparaître l’épaisseur du mur.
Illustration 21. Arc en anse de panier
La porte la plus courante se décompose en trois éléments : une porte d’entrée et deux battants hauts ; parfois la porte est divisée en deux éléments permettant d’ouvrir la partie haute pour aérer. Mais on trouve aussi des portes uniquement à deux battants. Voici quelques exemples de portes de grange, recensées dans le Jura, en 2011, dans le Revermont (dessins de Florence Clément, CAUE 39).

Illustration 22. Exemples d'arcs de portes de grange.
Le fourrage est aussi conservé à l'étage, soit au dessus de la grange, soit dans les combles. On trouve alors soit une porte de fenil, soit une lucarne.
Illustration 23.
La porte d'écurie est celle qui a les dimensions les plus modestes. Elle peut être simple (environ 0,8 m de large x 1,8 m) ou double à deux battants (environ 1,5 m x 1,8 m). Elle est souvent accompagnée d’une petite fenêtre qui éclaire et ventile l’écurie, c'est le fenestron. Le linteau de cette porte est droit, soit en pierre de taille, soit en bois. La porte est posée en feuillure sur le mur.
Illustration 24. Porte d'écurie
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Matières, textures, couleurs
Les façades sont enduites par souci technique et esthétique. Colorée par les sables locaux, la teinte caractérise un secteur ou une construction et anime les rues. Lorsqu'il n'y avait pas assez de sables, ou que ceux-ci n'avaient pas une texture suffisamment granuleuse, on pilait des tuiles, donnant ainsi à la façade une couleur très rouge. Une teinte bleutée signale l’ancienne présence d’une treille traitée au cuivre. Les enduits sont tirés à la règle et présentent une finition lissée ou grattée.
Les menuiseries sont peintes et constituent la palette d’accompagnement. Les pigments sont liés à la vie courante ou à l’activité viticole ou agricole : suie de cheminée, sulfate de cuivre, sang de bœuf... Les portes d’entrée sont souvent en bois ordinaire peint, parfois en bois noble (chêne, châtaignier), laissé naturel et vernis.

Illustrations 25 à 27.
Pour des économies de moyens, les encadrements d'ouvertures pouvaient également être constitués de bois ou de briques, puis un badigeon en trompe-l’œil dessinait un encadrement. On retrouve ce type de finition pour des dessins de pierres d’angle et des fenêtres, l’impôt étant autrefois calculé sur le nombre de fenêtres.
Illustrations 28 et 29. Dessins de pierres d'angle et de fenêtre en trompe-l'oeil
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Détails, particularités
Certaines fermes présentent des balcons au premier niveau.

Illustration 30. Balcon à l'étage.
Des éléments de finition en toiture :
- sous-face en pierre de taille ou briques
- bande de rive en bois

Illustration 31. Eléments de finition sous toiture
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Evolutions, adaptations
L’ensemble des activités agricoles occupe la plus grande partie de la ferme qui est avant tout un outil de travail. Cette notion est importante pour comprendre la constante évolution des fermes en fonction du site, du type de production, du développement de l’exploitation et de la modification des pratiques agricoles.
La variété des formes ainsi produites au cours de l’histoire est une richesse du territoire et illustre la notion de patrimoine en mouvement.
La ferme double
Il s’agit généralement de fermes ou d’extensions construites par des membres d’une même famille, chacune des fermes présentant le même nombre de travées.
Regroupées dans le même volume, la grange, l’écurie et l’habitation sont doublées selon un axe de symétrie qui peut être :
- en façade gouttereau. Le bâtiment est alors très long, l’ensemble des fonctions se succédant.
Illustrations 32 et 33.
- en pignon. Le bâtiment est trapu, chaque façade gouttereau opposée présente l’ensemble des fonctions, l’habitation présentant des ouvertures en pignon.
Illustrations 34 et 35 .
La maison à habitation dominante
Elle présente une habitation qui se développe sur plusieurs travées, traduisant la richesse de la production.
Pour affirmer un certain statut social, l’habitat peut emprunter le vocabulaire de la maison bourgeoise : une symétrie de la composition, une porte fenêtre avec balcon dans l’axe de la porte d’entrée, une ou des tourelles, un toit à 4 pans, des corniches en pierre de taille...
L’habitation est toujours accessible en premier depuis la rue, les travées d’exploitation étant rejetées à l’arrière.
Dans le vignoble, cette typologie se distingue de la maison bourgeoise tout en donnant à voir une façade bourgeoise ouvrant sur un jardin.
Illustrations 36 à 38.
La ferme en pignon
En-dehors du cas précis de la ferme pastorale du Haut-Doubs, la ferme de polyculture en pignon ne correspond pas à une typologie particulière, mais plutôt à une variation de modèles imposée par le relief.
Cette ferme présente tout ou partie de ses ouvertures en pignon.
Illustrations 39 et 40.
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Déclinaisons départementales :
39 - Jura
La maison de polyculture vigneronne
Retrouvez ici l'ensemble des exemples jurassiens évoquées dans la partie générale Description : pour savoir si une commune possède ces exemples de typologie, utilisez la fonction "Recherche par commune" du site.
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Polyculture vigneronne, Vignoble-Revermont
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